lundi 21 décembre 2009

Le «Crois ou meurs» et Krugman.




















Le billet qui suit constitue une réflexion sur deux aspects du système politique américain qui peuvent paraître paradoxaux, mais qui sont plutôt complémentaires.

Le vote sur le projet de réforme de l'assurance maladie aux États-Unis devrait être remporté par les démocrates et ce, avant Noël. Bien que j'estime que le système de santé québécois doit être réformé afin laisser une plus grande place au secteur privé, je crois que le système actuel aux États-Unis est assez absurde. Je me réjouis donc que le projet de loi soit adopté par le Sénat.


La première réflexion que suscite tous les débats qui ont eu lieu depuis 1 an a trait à ce que j'appelle ici la ligne de parti. Selon les règles du Sénat, les démocrates avaient besoin de 60 votes sur les 100 sénateurs afin que le projet puisse passer à l'étape finale le 24 décembre. Or, étant donné la polarisation des positions, les républicains s'opposant au projet, les démocrates avaient besoin du vote des 58 sénateurs démocrates et des deux indépendants. Le premier indépendant est un sénateur du Vermont qui se décrit comme socialiste, Bernie Sanders, dont le vote ne constituait pas un problème majeur.

Le second sénateur est Joseph Lieberman, colistier de Al Gore en 2000, élu au Connecticut. Je dois l'avouer, j'aime bien Joe Lieberman. Certes, je ne suis pas en accord avec toutes ces positions, mais j'aime ce politicien qui ne suit pas une ligne de parti ou une idéologie qui doit lui être dictée. Lieberman est un sénateur controversé qui a appuyé John McCain en 2008 et qui est souvent la risée des démocrates de gauche qui voient en lui un traître du parti. Ces gauchistes, souvent guidés par la règle du «Crois tout ce que le parti dit ou meurs», n'attendent que le moment où il quittera le parti démocrate et ira rejoindre ses amis républicains. Certains le traitent d'opportuniste puisqu'il vote comme le lui demandent ses commettants du Connecticut, un État où il y a une forte présence de démocrates conservateurs.

Or, la présence d'un Joe Lieberman ou d'un Ben Nelson, sénateur démocrate conservateur du Nebraska qui a lui aussi conditionné son vote selon certaines modifications, représente une force de la démocratie américaine. Certes, j'entends les puristes clamer l'opportunisme de ces deux sénateurs qui se servent de leur vote afin d'augmenter leur pouvoir dans une situation aussi importante pour les démocrates et le président Obama. J'estime plutôt qu'il est important d'avoir des sénateurs qui effectuent certaines demandes qui permettent à un projet d'être nuancé, voir amélioré.

Certes, le système politique québécois et canadien rend presque impossible ce genre de situation dû à la ligne de parti particulièrement forte. Toutefois, cette situation n'empêche pas pour autant la dissension au sein des différentes factions idéologiques des partis politiques qui aurait souvent avantage à être soulevée publiquement par des députés, si ce n'est que par souci de représentativité et de démocratie.

Plusieurs éléments de la politique québécoise et canadienne rendent l'électeur moyen cynique. Le «Crois ou Meurs› est certainement en tête de liste.

Krugman


Je vous disais que les deux réflexions pouvaient paraître paradoxales. Or, voici la deuxième. Paul Krugman, éditorialiste du NY Times, soulève un problème majeur du système politique américain dans toute cette saga du vote sur le système de santé dans ce texte. Il est absurde que suite à une victoire éclatante des démocrates l'an dernier lors de la présidentielle et suite à une majorité (18) de ces mêmes démocrates au Sénat, le projet ait eu autant de difficulté à passer à l'étape finale. La règle du «60 sénateurs» était utilisée historiquement pour empêcher un gouvernement d'adopter des lois absurdes, une sorte de contre-poids à un groupe de parlementaires qui aurait soudainement un «Power Trip».

Comme le démontre Krugman, depuis 2006, année où les démocrates ont repris le contrôle du Congrès, 70% des projets de loi au Sénat ont été obstrués suite à l'utilisation de cette règle.

Précédemment, je parlais du cynisme qui a trait au «Crois ou Meurs» des partis politiques. Les «enfantillages» de certains députés, que ce soit à l'Assemblée nationale du Québec ou au Congrès américain est probablement en 2e place dans la liste des cyniques. Utiliser son jugement devrait être la règle numéro 1 de l'individu qui fait un choix aussi noble que de se lancer en politique. La deuxième règle devrait être d'écouter ces citoyens. Pas besoin d'un cours de 45 heures pour comprendre que les électeurs du Nebraska et du Vermont réfléchissent souvent bien différemment politiquement. Faudrait peut-être le rappeler aux «liberals» du Parti Démocrate.


N.B. Pas besoin de me venir me donner un cours sur les partis politiques et sur l'unité. Le but du billet était de dénoncer certaines absurdités et de féliciter certaines initiatives.


2 commentaires:

  1. Bonne analyse Vincent qui soulève quand même certaines questions:

    - Jusqu'à quel point un représentant démocratiquement élu doit-il allé dans la volonté de représentant l'opinion "générale" de sa population s'il a la conviction intime, profonde, que le projet de loi qu'il doit adopter est la bonne chose à faire pour le peuple américain ou pour son système de santé, malgré l'opinion populaire... C'est une question que je me pose souvent et qui fait appel au rôle même du représentant ou du député. Sinon, tout le reste, ce ne sont que de vulgaires soucis de réélection.

    - Tu fais l'apologie de Lieberman et de Ben Nelson. Or, la politique américaine a-t-elle besoin de pareille dissenssion, de pareil divertissement, considérant que le pays est déjà LARGEMENT conservateur sur l'ensemble du spectre politique. Je ne comprend pourquoi se féliciter qu'il y ait des démocrates qui jouent le rôle d'avocats du diable, de recentreur vers la droite alors que le pays l'est déjà largement. C'est comme prêcher pour la disparition de l'option progressiste aux É-U...

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  2. @ PLB

    Effectivement, il y a beaucoup plus de démocrates qui jouent les avocats du diable que de républicains. John McCain s'est assagit. Olympia Snowe est souvent seule. En fait, les quelques républicains modérés du sénat ont souvent été battus par des démocrates conservateurs dans les dernières années.

    Parce qu'un seul parti joue avec les règles du fair play, je crois que la règle des 60 votes devrait être abolie.

    La règle des 60 ne peut prévaloir s'il y a des lignes de parti trop serrées. Comme à la Chambre des communes et à l'assemblée nationale, les règles du fair play et du gentlemen's agreement ne tiennent plus depuis une dizaine d'années. Merci aux grands responsables: les républicains, les conservateurs et le PLQ...

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